Rennes Enchères, « Nature & Merveilles », entretien avec Carole Jézéquel, commissaire-priseur
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Bijoux, objets d‘art, tableaux anciens, Rennes Enchères c’est une maison emblématique dédiée à l’expertise, l’estimation, et la vente aux enchères d’objets en tout genre. La commissaire-priseur Carole Jézéquel et ses 7 collaborateurs officient à l’Hôtel des ventes de la place des Lices à Rennes. L’équipe peaufine actuellement l’évènement de prestige, qui se tiendra juste en face, Halle Martenot, pour un programme de 4 jours, nommé « Nature et Merveilles ».
« On souhaite ouvrir le monde des enchères à un large public, ceux qui n’osent pas pousser les portes de la salle des ventes chaque semaine. Nous voulons aiguiser leur curiosités, les émerveiller ! » indique Carole Jézéquel, commissaire-priseur et dirigeante de Rennes Enchères. « Cet évènement est monté en partenariat avec Destination Rennes, et 15 experts vont – avec les équipes de Rennes Enchères – jouer aux médiateurs culturels ces 4 jours durant, pour accompagner les visiteurs et les plonger dans le monde des enchères. »
Les passeurs d’histoire
« Le monde des enchères ce n’est pas qu’une question d’argent, c’est apprendre à regarder un objet, détailler sa fabrication, son histoire, pour le sauvegarder ou le transmettre… Nous, nous sommes des passeurs d’histoire, et pour que les objets passent il faut convaincre les vendeurs et les acheteurs… et l’objet continue ainsi son histoire. C’est passionnant ! »
L’enthousiasme de Carole Jézéquel, commissaire-priseur, est communicatif. Quand elle parle de ces ventes, les yeux pétillent, les mains forment des volutes, on sent ce goût de la transmission, car ces histoires d’objets sont in fine des histoires humaines. Et pour mettre en scène ces passations, une vente aux enchères sous le marteau de cette femme charismatique est un authentique spectacle. Un théâtre des passions, des plaisirs esthétiques (parfois poussiéreux), suspense et adrénaline garantis ! Adjugez !
Reconstituer un cabinet de curiosités
« Un cabinet de curiosités est comme un assemblage d’objets, parfois disparates, un inventaire plus ou moins organisé et souvent inspiré de la nature, animale, végétale et minérale. C’est reconstituer un univers à soi, c’est donc très personnel ! Pour ce rendez-vous, nous avons constitué un immense cabinet de curiosités, tel un musée éphémère de plus de 250 objets, selon une quinzaine de catégories : bijoux, art tribal, livres anciens, orfèvrerie… » Le scénographe Frédéric Beauclair a travaillé sur la mise en scène de cet écrin de 1 200 m2 au cœur des Halles Martenot, pour accueillir l’exposition sur quatre jours. Deux conférences complètent le programme : Messieurs Gauthier Aubert – professeur d’histoire moderne à l’université de Rennes 2 – et François Coulon – conservateur au Musée des Beaux-Arts de Rennes – apporteront un éclairage sur l’histoire du cabinet de curiosités et la collection en Bretagne.
La collection : une fièvre bretonne
« Cette exposition s’inscrit également dans une tradition de collecte et de collection des Bretons, ces voyageurs… On peut remonter au 18e siècle avec le marquis de Robien qui a été un très grand collectionneur. Ce sont ainsi des milliers d’objets que le Musée des Beaux-Arts de Rennes n’a pas encore terminé de répertorier. » Le cabinet de curiosités de la famille de Robien fut en son temps réputé au-delà des frontières françaises, des biens confisqués à la révolution en application de la Loi de 1792. « Aujourd’hui avec entre autres collectionneurs bretons on pense bien sûr à François Pinault ! »
Les bonus !
Un peu d’histoire
L’histoire de Carole Jézéquel débute à Brest « je souhaitais faire l’école du Louvre et puis en fait j’ai fait du droit ! » sourit-elle. Elle entend sur les bancs de la fac un intervenant commissaire-priseur qui vient présenter son métier, cela la fascine, elle décroche un stage de découverte et n’en reviendra plus. Quelques années plus tard, en 2001, la voici à Rennes, où elle est nommée auprès des commissaires-priseurs associés Maîtres Jean Livinec, Charles Pincemin et Xavier Gauducheau.
L’histoire de l’hôtel des ventes, sise place des Lices, ne date que de la fin des années 70, enclavé dans cet alignement d’hôtels particuliers à colombage de Rennes. Auparavant la salle des ventes se tenait place du Champ Jaquet. Les hôtels des ventes sont des institutions centenaires, le commissaire-priseur judiciaire est nommé par arrêté du Garde des Sceaux, il est en effet l’officier ministériel chargé de l’expertise et des ventes judiciaires aux enchères publiques.
Live-web !
« L’heure de la dématérialisation a sonné pour le monde des enchères, et les confinements liés au Covid-19 ont accéléré les ventes à distance. Aujourd’hui quasiment toutes les ventes sont aussi diffusées en live-web. À présent lors d’une vente Rennes Enchères, 55 % sont acquis en salle et 45 % via le net. De fait le public s’élargit, je vois un public qui ne veut plus de ces objets en série et anonymes, mais des biens qui ont une histoire, c’est une tendance forte. »
La France : le grenier du monde !
« Nous avons en France une histoire très riche de créateurs, d’artisans. Nous sommes le « grenier du monde » en termes d’objets. Être un objet français fait déjà monter sa cote ! Aujourd’hui beaucoup d’entre eux partent à l’étranger. »
Un souvenir d’un objet, d’une vente particulière ?
« Ho oui ! C’était en 2015. Une femme m’apporte dans ce bureau quelque chose recouvert d’une couverture. Lorsque l’on dévoile ce bien qu’elle venait faire estimer, on découvre une sculpture, en bronze, argent massif et pierres d’agate, représentant une ronde de trois cigales, époque art nouveau, très imposante et lourde, de l’artiste Habert Dys. C’est un artiste tombé dans les oubliettes de la mémoire ! On ne sait pas ce que peut être cette sculpture, peut être une urne… cet objet faisait peur à sa propriétaire qui l’a longtemps gardé dans son grenier. Cet objet me fascinait littéralement, c’était très mystérieux, je me suis beaucoup documenté. Pendant la vente aux enchères, je me souviens que c’était émotionnellement très fort. Il a été acheté (à distance) par un grand marchand d’art parisien pour près de 200 000 euros. Cet objet avait comme un pouvoir magnétique. »
Le cabinet de curiosités : 274 œuvres estimées de 100 € à 50 000 €
- 2€ l’entrée à l’exposition halle Martenot, au profit d’une association de défense des animaux. Du lundi 21 au jeudi 24 février.
70 animaux naturalisés
Ours polaire, zèbre, singe, lionne, et même une girafe… Seront présents près de 70 animaux naturalisés, venant de la collection de Marc Beluet, qui a recueilli au fil du temps ces objets singuliers d’animaux de zoo, passés par les mains de taxidermistes à leur mort. « Cet homme est d’abord un voyageur qui faisait des conférences, il a acheté ces animaux pour les présenter à des fins pédagogiques et de fil en aiguille, il s’est retrouvé à la tête d’une collection, qu’il lègue à présent. » Dans la halle Martenot, ces animaux trôneront majestueusement à la manière d’une grande « galerie de l’évolution », sur une estrade de près de trente mètres de long. Mercredi 23 février à 17h, vente aux enchères des animaux naturalisés, à l’hôtel des ventes 32 place des lices et sur écran.
Dans ce cabinet de curiosités, on retrouvera aussi des objets d’art et de curiosité. Un buste en albâtre orné de pinces de tourteaux ou encore d’huitres blanches estimé à 2 000 € (N°3) de l’artiste Nidpie ; un service à thé et café art déco estimé à 300 € (N°16) ; un tabouret-pouf nommé Poblek œuvre commune de designer/ tapisser/ébéniste et brodeuse bretons (N°252).